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21 août 2016 / avec1o

Messes à la cathédrale de Cayenne

Il est évident que je te dédis cet article, Gilles…

La Cathédrale de Cayenne est un bâtiment remarquable, jaune clair, assez peu découpé, finalement d’architecture assez simple. Elle est plus qu’adaptée au climat guyanais, pas de fenêtre hermétique, mais des jalousies. Et les vitraux sont articulés. Une première pour moi qui ne suis pas allée souvent à l’église catholique dans mes déambulations asiatiques. Elle est claire d’intérieur, pas nécessairement richement ornée. Simplement belle. Un chemin de croix assez classique, mais un Christ qui s’offre un écrin fantaisiste de petites ampoules bleues. Me reviennent en mémoire toutes les niches on ne peut plus kitch qui entourent la Paya Shwedagon de Yangon, au Myanmar… Une idée du beau qui n’est pas la même pour tout le monde, tout simplement ! Un autre détail, que vous remarquerez peut être sur les photos : les ventilateurs… Comme un bruit de fond, un ronron familier des pays chauds, pour un brassage d’air tiède, un souffle, une bise, une caresse sur la peau. Les plus réchauffés ont pris, en plus, la précaution d’apporter leur éventail. Pour les autres, la feuille de chants fera office d’agitateur le temps de l’office !

Voilà donc le bâtiment décrit. Il me faut préciser enfin que les portes, toutes les portes, resteront ouvertes tout le temps de la messe. Comme une invitation à entrer, quelque soit l’heure à laquelle on arrive. Vous me direz, il est plus facile de s’autoriser ces portes béantes en milieu chaud, on ne connaît que trop bien l’air glacial de nos parvis d’églises métropolitaines et la nécessité d’en clore les portes. N’empêche que le sentiment d’accueil s’en ressent et que c’est bien agréable de se sentir bienvenu en cette cathédrale de Cayenne.

J’ai plurialisé « messes » dans mon titre, et à raison, puisque la première fois que j’y suis allée, c’était un dimanche matin, avec les collègues de Guillaume, et Marie, sa sœur. La seconde, c’était ce soir, en solo, tout le monde étant reparti en métropole, Guillaume compris.

J’ai souvent fréquenté les églises. J’ai rarement assisté aux offices à l’étranger, les codes et cultures m’étaient trop éloignés, et quand je l’ai fait, c’est que j’avais eu la chance d’y avoir été introduite. La Guyane étant un département français, j’avais une représentation plus nette de ce que pouvait être une messe. Mais finalement, je ne m’attendais pas exactement à ce que nous avons vécu ce dimanche matin du 23 juillet…

Le prêtre a longuement parlé de la notion de fraternité (nous étions à 9 jours des attentats de Nice, 3 jours avant que le prêtre de Saint Etienne du Rouvray ne soit assassiné). Il a repris le Notre Père, rappelant que tout y était inscrit, tout y était dit. Nous l’avons chanté plus tard, version Notre Père du Burkina Faso. Je pouvais au moins me joindre aux personnes présentes pour le chanter, parce que pour le reste, nous avons véritablement assisté à un concert de Gospel, à nous en donner des frissons, à nous faire venir les larmes aux yeux. La messe a duré 2h le dimanche, ce soir, nous avons eu une version courte, seulement 1h30. Il y avait moins de monde. On sent que la messe qui compte, c’est celle du dimanche !

Foule de petits détails remarquables :

  • dans son sermon, le prêtre alterne français et créole guyanais, notamment quand il a des messages forts à faire passer. C’est très drôle, dans le sens où il insiste vraiment, accentuant encore davantage par un ton presque prédicateur, mais totalement incompréhensible pour nous !
  • au moment du partage du geste de paix, il a cette phrase mémorable qu’il répétera 2 ou 3 fois autoritairement « Ne vous déplacez pas !! ». On imagine fort bien que pour aller donner la paix du Christ au voisin, à la cousine, à l’ami… ça peut devenir un franc bazar au sein de l’église et qu’il a du le vivre plusieurs fois pour s’assurer désormais une telle prévention ! C’est que le guyanais n’est pas toujours forcément rangé dans sa façon de faire !
  • un homme, visiblement drogué, pas très endimanché vestimentairement ni très conventionnel dans sa façon d’être dans une église, la traversera en jurant, en faisant de grands gestes provocants et ressortira aussi vite qu’il sera rentré. On s’est dit qu’il devait être coutumier des lieux et du moment, car personne n’a fait cas de son intervention. Les portes étaient ouvertes, l’église est un lieu pour tous. Mais c’est un fait, Cayenne regorge malheureusement d’hommes qui se sont perdus dans le crack et qui ne sont que des ombres d’hommes plus ou moins agressifs. Cela réserve parfois des surprises, qui n’avait d’en être une que pour nous
  • la communion avait elle aussi quelque chose d’atypique. L’hostie, avant d’être introduite en bouche, est trempée dans le calice. Ça lui donne un petit goût de vin, tout à fait hors de nos normes en métropole, du moins n’avais-je jamais vécu cela avant
  • les « asseyez-vous » ou « levez-vous » sont assez directifs. Là encore, on sent que le prêtre se fait un devoir de contrôler ses ouailles, qui doivent se permettre des fantaisies parfois, ce serait bien le genre localement !
  • à la fin de la messe, le prêtre nous a demandés, justement, de nous asseoir. Ceci pour écouter les annonces. Et là, outre les dates d’événements habituels, sont annoncés les prochains mariages, les noms des futurs mariés, leur date et lieu de mariage. Et là, l’annonceur de dire « Toute personne qui connaîtrait une raison de provoquer une annulation de ce mariage est prié d’en informer le prêtre en se présentant au presbytère ». J’avais l’impression d’être dans un film américain. Là encore, jamais je n’avais entendu cela
  • et j’oublie certainement plein de choses encore…

La messe s’est conclue sur un chant magnifique, ils étaient 10 dans le chœur à danser et taper dans leurs mains. A la toute fin, ils se sont tournés vers la statue du Christ pour lui chanter sa louange. Je ne veux convertir personne, là n’est pas la question, mais nous avons vécu et partagé toutes les 4 un moment fort, et l’on sentait une foi profonde de la part des gens qui assistaient à la messe. Et leur façon de l’exprimer est belle, parce que vivante ! C’est vraiment ce que nous retiendrons de ces deux heures, il y a de la vie et de la joie dans la façon de célébrer la messe, et ça fait tellement de bien !

A vadrouiller depuis un mois et demi, à réaliser des soins à domiciles et rentrer dans l’intimité des maisons de mes patients, j’ai pu constaté que le foi ne se vit pas qu’à l’église, pour voir sur les murs affichés des tableaux à la gloire de Dieu, ou reprenant sa parole. Et ce soir, une voiture publicitaire attendait au feu devant moi. Je vous laisse prendre connaissance du détail du message en question. Là encore, pas complètement habituel par chez nous ! Je me rendais à l’église, il n’y a pas de hasard!

 

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